Alain KERVERN
Tro Breizh : en notre faim, notre commencement
A chacun de nos pas
fin et commencement
l'éternité s'ébauche
La muraille d'Arré
contient avec peine
l'immensité de l'aube
Nos certitudes avancent
au rythme de la marche
le doute naît à l'étape
Dans les rêves flottants
au-dessus des dormeurs
ceux-ci marchent encore
Arrachée aux guérets
l'alouette
culmine
Sur la pointe des pieds
à Commana
l'étoile des Bergers
Le jour qui monte
nourri
des litanies d'un merle
Pris au piège
d'une averse
tant d'odeurs libérées
En Lieue de Grève
ne pas réveiller le dragon
qui rouille dans les collines
Un ressac sans fin
traverse
mon sommeil
Point du jour
à nommer chaque chose
le merle s'enivre
Quel rêve de guérison
nous a jetés
sur la route des quêtes ?
La rencontre
est-elle sur le chemin ?
a-t-elle déjà eu lieu ?
De flaque en flaque
passent les nuages
et la marche des saints
Jamais sur le mur
de la danse macabre
ce jour ne reviendra
un grand bonheur parfois
sort du paysage
et marche à nos côtés
Corbeaux et mouettes
se disputent
la tunique du couchant
Deux mille marcheur
se retournent soudain :
la lune
Cachée au fond de nous
une aube se relève
à chaque départ
Au fil de nos pas
tant de réponses
s'effilochent
Un arbre
ce qui demeure du ciel
dans l'oeil
Round-baller
arrêté dans sa course
vers la lumière
De l'aurore au serein
donner corps en marchant
au mystère d'être là
Traversée
du sous-bois
à voix basse
Mille ans de sainteté
au pied de la croix
une pie-noire heureuse
Calvaire
dignostic minéral
d'un état de grâce
L'aveu
d'une coquille d'escargot vide
de n'avoir rien à dire
Grenouille parcheminée
aplatie sur l'asphalte
ce monde est-il le seul ?
Sur le pré
la foule en prière
et les blés en écho
A l'intérieur du silence
le temps
s'efface peu à peu
Autour du cierge
l'ombre
fait de grands gestes
Tro Breizh : en notre faim, notre commencement, Skol Vreizh, 2001
Peintures, Jean-Claude FAUJOUR
Haïku, Alain KERVERN
Texte, Projet pou une iconostase, Fanch MORVANNOU
Préface, Anne GUILLOU